Paroles de femmes Spécialiste reconnue de la mécanique quantique, Hélène Perrin est directrice de recherche au CNRS. À l’occasion du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, retour sur son parcours dans un milieu essentiellement masculin et les enjeux de ses travaux de recherche.

Directrice de recherche au Centre national de rechercher scientifique (CNRS) et coordinatrice du Domaine de recherche et d’innovation majeurs (DIM) « QuanTiP », Hélène Perrin évolue dans l’univers fascinant de la mécanique quantique.

À l’occasion de la journée du 8 mars qui célèbre les droits des femmes, cette Parisienne de naissance revient sur son parcours et nous explique les perspectives d’un secteur en pleine expansion.

Comment devient-on physicienne et directrice de recherche au CNRS ?
Hélène Perrin :  J’ai d’abord été attirée par les mathématiques avant de découvrir la physique en classe préparatoire, puis la mécanique quantique à l’École polytechnique. Ce domaine m’a tout de suite fascinée ! La mécanique quantique décrit le monde d’une manière totalement différente de la physique classique. J’ai poursuivi avec un DEA (NDLR : l’équivalent d’un master 2 aujourd’hui) à l’École normale supérieure avant d’effectuer une thèse sur les atomes ultrafroids. J’ai ensuite fait un post-doctorat au CEA de Saclay pour étudier l’effet Hall quantique, avant d’être recrutée au CNRS l’année de mes 27 ans. Aujourd’hui, directrice de recherche, je dirige une équipe au sein d’un laboratoire rattaché à l’Université Sorbonne Paris Nord.

Comment expliquer vos travaux à un non-spécialiste ?
H.P. :
 Mes travaux portent sur des atomes refroidis à des températures extrêmes, proches du zéro absolu (NDLR : environ -273°C). À l’échelle micrométrique, les lois de la physique classique ne s’appliquent plus : on entre dans le monde quantique. Avec mon équipe, nous menons deux expériences qui visent à mieux comprendre comment ces atomes réagissent quand on les force à se déplacer dans des espaces confinés. La première consiste à les piéger sur la surface d’une « bulle » minuscule, créée par des champs magnétiques. Les atomes ne peuvent dès lors se déplacer que sur cette surface, en 2 dimensions. À ces températures extrêmes, le gaz devient superfluide : en tournant, il génère des mini-tourbillons quantiques, comme des tornades à l’échelle atomique. Dans la seconde expérience, les atomes sont confinés sur une puce, alignés comme des perles sur un fil, où ils se déplacent en une dimension. Ces simulations nous aident à comprendre des phénomènes qui se retrouvent dans d’autres matériaux, par exemple les supraconducteurs.

En quoi consiste le DIM QuanTiP dont vous êtes la coordinatrice ?
H.P. : Le DIM – Domaine de recherche et d’innovation majeur – QuanTiP est un outil porté par la Région Île-de-France pour booster les technologies quantiques. Il fédère des équipes académiques de pointe, dont certaines sont à l’origine de start-up franciliennes, autour de 4 axes : capteurs, simulation, calcul et communication quantiques. L’idée est à la fois de soutenir la recherche fondamentale et d’accélérer le passage aux applications industrielles. La Région confie aux chercheurs un budget de 2,5 millions d’euros que nous répartissons via des appels à projets.

Quel rôle joue la Région dans le domaine de la recherche quantique ?
H.P. : L’Île-de-France est un leader mondial, avec des laboratoires et des équipes de premier plan. Ces 30 dernières années, la communauté scientifique a fait d’énormes progrès dans la manipulation des objets quantiques individuels. La recherche fondamentale arrive à maturité et un champ d’applications s’ouvre maintenant à nous. La Région l’a bien compris : en finançant QuanTiP, elle soutient une recherche à la pointe au niveau mondial tout en rapprochant les chercheurs des industriels. Par exemple, les travaux sur les atomes froids ouvrent la voie à des gravimètres quantiques, capables de détecter les mouvements de masse sous terre.

La physique est un domaine majoritairement masculin. Être une femme a-t-il été un obstacle ?
H.P. : C’est un domaine compétitif qui exige du temps. Il faut à la fois progresser dans ses recherches, défendre ses travaux, participer à des colloques… Au moment où la carrière des hommes décolle, les femmes accusent souvent un retard en raison des contraintes personnelles qu’elles doivent assumer. Comme beaucoup de collègues, j’ai moi-même traversé cette phase délicate. J’ai d’ailleurs rejoint, dès sa création, l’association Femmes & Sciences pour renforcer la visibilité des femmes scientifiques et inciter les jeunes filles à s’engager dans les formations scientifiques. Il ne faut jamais s’autocensurer : aucun métier n’est destiné qu’aux hommes ou aux femmes.

Institut Galilée

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