C’est avec une profonde tristesse que nous venons d’apprendre le décès de notre collègue Thierry Chauveau, le 19 juillet 2022.

L’Institut Galilée présente ses plus sincères condoléances à sa famille et aux nombreuses personnes qui ont collaboré avec lui. Nous nous associons également pleinement à leur douleur dans ce moment difficile.

Thierry Chauveau va nous manquer.

Thierry Chauveau était ingénieur de recherche au LSPM et fut un acteur clé au sein de ce laboratoire de l’Institut Galilée.

En 1986, il rejoignit le laboratoire LPMTM (devenu ensuite le laboratoire LSPM), où il travailla en profondeur sur le développement instrumental lié à la diffraction des rayons X. Grâce à son investissement et la passion de son métier, un service dédié put être créé. C’est ainsi que le service de diffraction des rayons X vit le jour au sein du LSPM. Celui-ci permet actuellement de caractériser avec précision les matériaux, aussi bien pour de la recherche académique que pour des collaborations avec de grands groupes industriels, dans l’optique d’améliorer la performance des matériaux.

Thierry Chauveau travailla durant de nombreuses années en étroite collaboration avec Brigitte Bacroix, Directrice de Recherche au LSPM. Leurs recherches communes ont suscité de nombreuses collaborations extérieures notamment avec le CNRS et Airbus hélicoptère dans le domaine de l’aéronautique. Grâce à leurs expertises et le développement sans cesse amélioré des machines, dont le LSPM est leader, ils participèrent à la caractérisation poussée de nombreux matériaux. Thierry Chauveau collabora également avec d’autres laboratoires de l’Institut ou de l’université comme le LVTS, le LPL mais aussi l’UFR SMBH à Bobigny pour améliorer sans cesse la recherche dans ce domaine qui fut le sien.

A la fois homme de terrain avec le goût de l’expérimentation, il fut aussi un acteur incontournable pour le perfectionnement des outils d’analyse et la participation aux réseaux nationaux développant la caractérisation des matériaux et les instruments. Il venait de lancer dernièrement un projet ANR « LabCom » avec Brigitte Bacroix, Fabien Caze et Charlie Kahloun sur l’analyse des contraintes dans les roulements à billes de grande dimension.

Découvrir la dernière interview de Thierry Chauveau du 12 avril 2022 qui avait échangé avec nous avec passion sur son métier et son parcours au sein du laboratoire LSPM.

Comment en êtes-vous venu à travailler pour le laboratoire LSPM ?
J’ai été recruté en 1986 pour effectuer un DEA en « mécanique et matériaux ». A l’origine, je devais m’occuper d’un diffractomètre afin de réaliser des analyses sur un des équipements sur un poste affecté au LPMTM. Il s’agit de l’ancien nom du laboratoire LSPM qui a fusionné depuis avec le LIMHP. Il n’y avait pas encore à ce moment-là de service dédié à la diffraction. Ma mission consistait à réaliser des analyses de matériaux.

Pouvez-vous expliquer ce qu’est la diffraction X?
La diffraction des rayons X est une forme d’interaction entre des rayons de lumière de haute énergie et un matériau. Lorsqu’on regarde les spectres au niveau des longueurs d’onde, les plus courtes sont les rayons gamma, puis viennent les rayons X, puis enfin les ultraviolets. Ensuite, lorsque la longueur d’onde varie entre 400 et 800 nanomètres, la lumière devient visible. Si cette longueur d’onde devient encore plus grande, on arrive alors dans l’infrarouge, puis les microondes et enfin les ondes radio.

Avec les rayons X, nous avons des longueurs d’onde qui sont du même ordre de grandeur que la distance entre les atomes, et on peut s’intéresser alors aux matériaux cristallisés, notamment métalliques, avec la loi de Bragg qui régit les interactions entre les rayons X et la matière. Ceci nous permet de « voir » comment, dans ces matériaux cristallisés, les atomes sont rangés, et aussi quels types de défauts sont présents dans cet arrangement. C’est cela que le diffractomètre nous permet d’analyser et que nous appelons l’étude cristallographique des matériaux.

Avez-vous perçu des évolutions au sein de votre métier ?
Le métier d’ingénieur de recherche évolue constamment… Un service a été créé. Au début des années 90 nous étions deux à nous en occuper, puis ensuite un autre service de microscopie à balayage s’est constitué. J’ai poursuivi de mon côté la recherche sur les diffractions … La caractérisation des matériaux est élaborée ici au sein de notre service au LSPM. Je travaille en synergie constante avec d’autres structures ou bien avec d’autres laboratoires. Un chercheur me contacte s’il a des besoins spécifiques en diffraction. Il expose sa problématique de recherche et notre service y répond techniquement.

Ce métier est un métier d’interaction en lien avec des services mécaniques et scientifiques relié à des thèmes tels que la microscopie, la haute pression ou la diffraction ; J’apprécie particulièrement le fait que ce soit en même temps un métier d’ingénieur et un métier de chercheur. Lorsqu’on nous expose des attentes sur un matériau donné, on vérifie par l’expérimentation les différents paramètres de la diffraction sur les matériaux.

On aborde le matériau sur tous les fronts. On étudie ses aspects microscopiques, électroniques ou mécaniques, puis, on réalise des publications de recherche communes sur l’ensemble des aspects abordés.

Notre atout au LSPM est de fabriquer nous même les machines afin de répondre à des demandes précises. On est capable d’avoir des machines différentes de celles proposées sur le marché. C’est une grande force. On a la capacité technique pour mettre au point des diffractomètres à très haute résolution. La mise en place peut parfois être très longue et durer plusieurs années. Aussi, il faut savoir être patient. Notre savoir-faire est de développer nous-même des machines en laboratoire pour identifier exactement les propriétés des matériaux ou manier des grands instruments du type synchroton.

Dans le cadre d’un travail de recherche, on étudie un matériau, on met en avant ses compétences pour obtenir des contrats de recherche. On travaille également en lien avec des doctorants.  Ils sont amenés à caractériser un sujet de thèse et on leur permet d’en mesurer les contraintes. En 2016, un doctorant a soutenu une thèse au sein du LSPM. Celle-ci a été financée par le Conseil Général du 93 et menée conjointement avec un enseignant de Sup Méca, Brigitte Bacroix, Directeur de recherche au LPSM et moi-même. Le matériau que nous avons étudié a ensuite permis à Airbus hélicoptère de l’utiliser dans ses véhicules aériens. Nous travaillons en lien étroit avec le secteur de l’aéronautique. Par exemple, on fabrique des pièces d’avions en alliage résistant de titane lorsqu’une fatigue des matériaux est observée. On collabore avec Airbus, et aujourd’hui avec la société Cefival pour la fabrication de certaines pièces d’avion.

Par ailleurs, nous avons développé un projet de Labcom financé par l’ANR en ce moment, dont Brigitte Bacroix, Fabien Caze et Charlie Kahloun et moi-même faisons partie avec la PME ADR, leader mondial du roulement à billes de grande dimension. Ce projet qui devait initialement se terminer fin août 2022 a vu son prolongement pour une année supplémentaire. Notre collaboration avec cette entreprise perdurera de toute façon même si l’ANR n’est plus impliquée par la suite.

Nous mettons en place également le projet d’une thèse CIFRE qui doit démarrer bientôt. Nous venons dernièrement de recruter un étudiant en stage Master pour poursuivre d’autres axes de notre recherche.

Que vous apporte le métier d’Ingénieur de Recherche ?
Nous avons une grande diversité d’action. On est responsable d’un service et nous effectuons un métier d’ingénieur et un métier de chercheur en même temps. Les deux sont indissociables.

Le métier d’ingénieur est de concevoir et de développer des équipements pour faire évoluer les machines et les rendre les plus performantes possibles mais aussi répondre correctement aux différentes demandes liées à la recherche et d’adapter les outils aux besoins.

Nous effectuons un service de recherche : Les entreprises nous sollicitent, lorsqu’elles doivent effectuer des caractérisations d’un matériau. On sait y répondre ou pas. Nos équipements coûtent parfois très chers ; à partir du moment où on sait répondre à la demande exprimée, nous offrons une prestation de service de qualité et une collaboration définit ensuite le mode opératoire commun. Nous collaborons avec des entreprises et avec le CNRS qui sont systématiquement associés à nos publications de recherche ; Nous n’avons pas toujours tous les tenants et les aboutissants d’une collaboration. Nous travaillons également avec des chercheurs d’autres laboratoires de l’Institut Galilée comme avec Frédéric Chaubet au laboratoire LVTS, Luc Museur au laboratoire LPL ou bien Laurence Motte qui est responsable du groupe nanomatériau à l’UFR SMBH à Bobigny dans le domaine Biomédical. L’objectif est de couvrir tous les spectres liés à la caractérisation du matériau. L’un par exemple va opérer sur la caractérisation des monoscristaux en optique ; l’autre va de son côté travailler sur la caractérisation de poudres nanométriques.

Notre but commun est d’obtenir un maximum de caractérisations que ce soit par le biais d’un microscope électronique ou par la diffraction X. L’ensemble des résultats obtenus permettent d’affiner la recherche.

Dernièrement, nous avons effectué des études sur des tubes en zirconium pour les besoins d’une centrale nucléaire. Nous collaborons également avec la société Cefival dans le domaine de l’aviation civile pour réaliser des assemblages de pièces complexes qui seront installées à l’avenir dans les avions.

Quels conseils donneriez-vous à un doctorant pour devenir ingénieur de Recherche ?
Avoir avant tout le goût de l’expérimentation. C’est une donnée essentielle quand on choisit ce métier. Etre curieux mais aussi avoir une grande opiniâtreté afin de persévérer en continu pour obtenir des résultats de recherche. Parfois l’évolution est lente… Il ne faut jamais oublier que chaque pierre apportée à l’édifice est importante, aussi minime nous semble telle.

Comment s’effectuent vos collaborations avec les chercheurs ? Comment nait un projet commun ?
Le laboratoire LSPM est connu pour tout ce qui concerne la diffraction X et la caractérisation d’un matériau donné. Le cœur de notre métier est LA CARACTERISATION et le DEVELOPPEMENT INSTRUMENTAL. 70% de notre service concerne la diffraction et 30% se concentre sur la recherche.

Certains laboratoires ont des plus gros moyens financiers que nous, mais notre force à nous est de savoir faire évoluer sans cesse notre parc instrumental. Si le nerf de la guerre du chercheur reste le budget, les instruments coûtent parfois très chers et ils ont parfois une courte durée de vie. Nous, nous cherchons à développer des choses nouvelles : on propose des machines performantes que l’on ne retrouve pas ailleurs dans le commerce : c’est ce qui fait notre différence et notre force.

Propos recueillis par Xavière SANTARELLI.

Institut Galilée

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